Le management public est souvent associé à la notion de proximité. Services publics de proximité, police de proximité, justice de proximité, hôpital de proximité, agents de proximité, … nombreuses sont les expressions des politiques publiques et de l’action publique qui font référence à la proximité très largement abordée sous l’angle de la distance spatiale. Le management public investit depuis quelques années déjà les autres dimensions de la proximité telles que présentée dans les travaux de l’école du même nom (Boschma, 2005 ; Torre et Rallet, 2005 ; Talbot, 2008). Elle s’est construite, en France, au milieu des années quatre-vingt-dix et s’est donnée pour premier objectif d’intégrer le rôle de l'espace dans l’analyse. Elle s’appuie sur une conception de l’espace renouvelée, qui n’est plus simplement entendu comme seulement générateur de coûts, mais aussi comme un offreur de ressources. Pour ce faire, elle déploie une grille analytique, une « grammaire », qui donne à voir ce qui relie les acteurs (Torre et Talbot, 2018). Les profondes transformations que connaissent les organisations publiques peuvent être lues à partir de cette grammaire, comme l’apparition de nouvelles distances, l’altération des proximités ou peut-être même, dans un mouvement de résilience, la création de nouvelles formes de proximités qui, une fois articulées, fondent des territoires.
La dimension spatiale de la proximité reste plus que jamais d’actualité dans l’univers public. La fracture entre les territoires métropolitains et les zones périurbaines et rurales questionne la manière d’offrir des services publics au plus près des citoyens qui en ont besoin. Quels leviers et solutions émergent pour maintenir la proximité ? Comment s’agence l’offre de services publics sur le territoire ? Le management territorial intègre-t-il les effets positifs et négatifs de la proximité ? Face à une tendance à rationaliser les services publics, les territoires peuvent-ils maintenir de la proximité ?
Dans ces dimensions non spatiales, la question de la proximité cognitive en particulier est questionnée avec la diffusion d’une sémantique et des pratiques issues du courant du nouveau management public (NPM) dans lesquelles les agents peinent à trouver de nouveaux repères. Par sa capacité à remettre au premier plan les interactions entre parties prenantes, la proximité permet-elle de dépasser les thèses du NPM ? Comment les différentes parties prenantes comprennent-elles les termes d’efficacité, de performance ? La proximité cognitive conduit-elle par ses effets sur les interactions à la performance et l’efficacité du service public ? Comment les acteurs s’approprient-ils les outils et langages qui appartiennent ou appartenaient à un autre univers que celui du secteur public ? Comment se construit une (nouvelle) proximité cognitive ?
La culture de service public repose sur des valeurs communes fortes et incarnées par les agents. Le courant de recherche sur l’éthique publique, ou celui, plus ancien, sur les motivations de service public est plus que jamais convoqué pour lire les phénomènes de démotivation, d’épuisement des personnels publics. Cela renvoie-t-il à une distance institutionnelle grandissante et une difficulté à maintenir une proximité institutionnelle et un socle de valeurs partagées ? Comment la notion de proximité institutionnelle renouvelle la lecture des valeurs publiques ou plus globalement celle de la culture de service public ? Peut-on parler de valeurs publiques ou de publicitude (Bozeman, 2007) en lien avec un territoire ? Quels liens peut-on établir entre les notions de territoires, de proximité et l’émergence de la théorie de la nouvelle valeur publique (PVM) (Moore, 2013) ou encore de la perspective des valeurs publiques (PVP) (Bozeman et al., 2017) ?
Les réorganisations entre les structures, entités publiques et services administratifs (fusions, regroupements), les partenariats publics/privés méritent que l’on réinvestisse le champ de la proximité ou de la distance organisationnelle. Comment se transforme la proximité avec les usagers entre les corps professionnels ? Quelles formes de proximité existent ou sont à développer sur ce territoire ? Quelles sont, au prisme des proximités, les organisations territoriales de demain ?
Enfin, dans sa dimension sociale, la proximité renvoie de manière très directe au management des services publics. En effet, comment imaginer un service public sans liens sociaux, sans interactions voire affinités sociales qui sont censés constituer le socle de la confiance entre les acteurs (Granovetter, 1985) ? Dès lors, la problématique de la territorialisation du management public peut trouver une réponse originale dans la lecture proximiste. Quels types de territoires favorisent les interactions sociales et la confiance dans le service public ? Les outils numériques nous rapprochent-ils ou nous éloignent-ils des services publics ?
Aussi, à travers les différentes formes que peuvent prendre les proximités, ce sont tous les liens entre le territoire et le management public qui peuvent être interrogés, analysés voire repensés. Chacun des grands domaines d’intervention du management public dans les territoires (éducation, santé, services sociaux, université, collectivités territoriales, justice, sécurité, culture, emploi etc.) peut être décrit en termes de proximités entre des acteurs et parties prenantes de ses domaines. C’est aussi ce challenge que cet appel à communication souhaite relever en permettant aux praticiens, chercheurs, doctorants, citoyens dans leurs domaines respectifs, de réfléchir à la place que prennent la ou les proximités dans les pratiques quotidiennes de management public. Par exemple, Comment s’exprime la ou les proximités dans le milieu de la santé ? Que modifie la crise sanitaire de la Covid-19 dans l’expression ou la recherche de proximité en matière de management public dans les territoires ? Que représente la proximité dans le management public d’une université, d’un lycée, d’une école ? Quelles places occupent la ou les proximités dans des domaines aussi différents et proches à la fois que la sécurité, la culture ou les services sociaux ? Plus globalement, quels rapprochements les proximités permettent elles d’établir entre ces différents domaines par exemple dans la gestion d’une collectivité locale ou de politiques publiques déconcentrées au niveau d’un territoire ?
De plus, les proximités offrent au management public une ouverture vers des horizons plus lointains en permettant un dialogue entre des territoires locaux, régionaux, nationaux et internationaux, plutôt que de le concentrer dans une zone spatiale close. C’est également à l’analyse et à la description des formes prises par ces dialogues que nous engageons les futurs contributeurs à réfléchir, notamment en prenant en compte les dimensions temporaires de la proximité (Torre, 2009) que permettent par exemple les technologies du numérique ou encore celles de l’intelligence artificielle.
Il s’agit là de quelques-unes des questions soulevées par les proximités qui constituent un enjeu fort du management public dans lequel nous inscrivons le colloque de l’AIRMAP 2021 à Clermont Ferrand.